EDA GARDEN : une contrepĂšterie bulgare ?
Une composition musicale aboutie rĂ©sulte toujours dâun Ă©quilibre entre :
â des Ă©lĂ©ments connus qui donnent des points de repĂšre Ă lâauditeur et confĂšrent Ă la musique sa lisibilitĂ©
â une mise en forme de ces Ă©lĂ©ments plus ou moins imprĂ©visible, inhabituelle qui va surprendre et Ă©veiller lâattention de lâauditeur et parler Ă son imaginaire.
Certaines compositions dâErik Satie illustrent cela de façon lumineuse. Câest le cas, par exemple, de deux de ses Ćuvres les plus connues : la Gnossienne #1 et la GymnopĂ©die #1.
Observons les modes utilisés par le compositeur :
Le début de la Gnossienne #1
est construit sur le mode suivant :
Bien que dĂ©veloppĂ©e sur un accord de Fa mineur, et Ă©crite en Fa mineur (4 bĂ©mols Ă la clĂ©), cette gamme contient les mĂȘmes notes que la gamme de Do mineur.
Le mode choisi correspond donc au IVÚ degré de la gamme mineure.
Prenons maintenant les premiÚres mesures de la Gymnopédie #1
Ici, lâarmure indique une tonalitĂ© de RĂ© majeur (2 diĂšses Ă la clĂ©), Mais, lĂ encore, cette composition nâest pas tonale. Lâharmonie alterne des accords de Sol majeur et de RĂ© majeur, sans que lâon puisse dĂ©cider dâune tonique dĂ©finie.
On peut considérer que le mode utilisé est celui de Ré majeur ou celui de Sol Lydien (IVÚ degré de la gamme de Ré majeur).
Dans les 2 cas le compositeur joue sur les ambiguïtés entre IVÚ et 1er degré.
Cette dĂ©marche fonctionne dâautant mieux que :
âle mode majeur produit des accords majeurs sur le Ier comme sur le IVĂš degrĂ©
âle mode mineur produit des accords mineurs sur le Ier comme sur le IVĂš degrĂ©
Cette Ă©quivoque entre 1er et IVĂš degrĂ© produit un effet de flottement, de suspension, de clair obscur, qui stimule lâimagination de lâauditeur.
Pourtant, lâĂ©criture est dĂ©pouillĂ©e, sans aucun artifice technique. Mais lâart du compositeur nâen est que plus Ă©vident.