ACCROCHE-TOI A L’ÉCHELLE, J’ENLÈVE LA GAMME.

Gammes, modes, échelles musicales, réservoir de notes, ragas, tous ces termes désignent des notions musicales distinctes, mais qui, pour beaucoup de musiciens, restent floues. Derrière ces différences de vocabulaire, se cachent des réalités musicales qu’il est utile de différencier.

Quelques éclaircissements, en partant du plus général pour aller vers le plus défini.

Réservoir de notes :
C’est un ensemble de notes dans lesquelles on va puiser pour construire une mélodie, des harmonies ou une improvisation. A partir du choix de quelques notes, les combinaisons possibles sont souvent innombrables, mais le choix de ces notes contient en lui-même une couleur musicale définie.

Exemple. A partir des notes suivantes: Do, Ré, Mi, Sol, La , on ne pourra jamais obtenir certains intervalles (4te augmentée, 2nde mineure, 7è majeure), ni certains accords comme les accords de 7è de dominante chers à la musique tonale. Dans ce cas la couleur générale, ne sera jamais dissonante, mais aura un caractère relativement statique.

Echelle
Dans une échelle musicale, les notes sont présentées par degrés conjoints. Une échelle n’a pas de tonique et peut se déployer tout au long d’une tessiture quelconque.

Dans l’usage courant, une échelle correspond à une façon spécifique de diviser l‘octave (échelle diatonique, chromatique, pentatonique).
Exemple : L’échelle diatonique peut être illustrée par la succession des touches blanches d’un piano.

Les échelles fournissent une façon simple et pratique d’appréhender les possibilités offertes par l’univers chromatique.
Ce sujet est abordé en détail dans un des chapitres de mon ouvrage Abécédaire de la Composition.

Gamme
Avec la gamme les choses se précisent. Une gamme est une échelle à laquelle on a attribué une tonique.
Celle-ci sert de point de départ et de note d’arrivée pour présenter les notes, mais elle introduit une hiérarchie dans les notes.
La tonique devient un pôle d’attraction et son choix donne une couleur spécifique à l’échelle.

Mode
Mode est un terme qui prend des significations différentes selon le contexte. Pour simplifier disons qu’avec lui, les choses deviennent plus précises. La hiérarchie entre les degrés est mieux définie. Exemple : en musique tonale, outre la tonique apparaissent la dominante, la sous-dominante, la sensible etc. Ces mêmes notions se retrouvent, sous d’autres noms, dans différentes musiques modales.

Exemple : dans un raga indien, vadi est la note prédominante, samvadi la 2è note importante; pakad désigne une formule mélodique caractéristique du raga.

Dans le jazz, le terme mode que l’on remplace parfois par gamme d’accord désigne une gamme qui va servir de réservoir de notes pour l’improvisation sur un accord donné. C’est ce dernier qui engendre une hiérarchie entre les notes du mode (tonique de l’accord, notes constitutives, extensions, altérations etc.).

Raga, Maqãm
Ces deux termes à la base de la musique modale indienne ou arabe définissent à la fois une échelle, une tonique, une hiérarchie entre les degrés, mais aussi selon les cas certaines formules mélodiques spécifiques, voire certaines ornementations, et plus généralement une émotion ou un sentiment définis.

Derrière tous ces termes, se cachent des façons différentes d’organiser la musique. Les distinctions définies ici prennent leur pleine valeur lorsqu’elles servent de base pour organiser une pensée musicale. Mais ce n’est qu’ensuite que commence la véritable création.

Donc, si les distinctions expliquées ici sont un préalable important et utile, ensuite… après avoir maîtrisé l’échelle, il faut savoir la lâcher pour manier le pinceau de la créativité 🙂

NB : Sur ce même sujet, pour des éclaircissements sur divers points de vocabulaire musical, vous pouvez aussi consulter le Dictionnaire des mots de la musique  (Jacques Siron, Éditions Outre-Mesure)